Revue de presse à l'heure du numérique

Les rencontres entre collègues d'Eco-Gestion permettent de se représenter la grande diversité des domaines dans lesquels nous évoluons. La multitude de BTS implique des spécialités variées. Appréhender de nouveaux domaines et se tenir au courant de l'actualité est un dénominateur commun à tous les enseignants en Eco-Gestion et la revue de presse fait donc partie de notre travail à tous.

Le numérique et Internet offrent des solutions puissantes pour le suivi de l'actualité d'un secteur ou d'un centre d'intérêt particulier.

Collecter, structurer, partager

Pour la collecte d'abord, le premier défi est de faire le tri dans une abondance d'informations. De nombreux outils ou services existent : scoop.it, pearltrees, les réseaux sociaux...

Tous ont comme point commun un temps de paramétrage pour améliorer la pertinence des informations mises en avant : qu'il s'agisse de s'abonner à des pages sur Facebook de suivre des comptes sur Twitter, de s'abonner à des perles ou à des pages sur scoop.it.

Le temps de mise en route vaut vraiment la peine, car des outils bien paramétrés permettent de bien cibler les informations en fonction des centres d'intérêt.

Les différents outils ne sont d'ailleurs pas exclusifs les uns des autres, mais peuvent se compléter : une veille sur Facebook et Twitter pourra par exemple être structurée dans un compte Pearltrees, lui-même enrichi d'abonnements à des « perles » de veille menées par d'autres.

Structurer et classer l'information est le deuxième défi. Pouvoir retrouver le cas pertinent, l'article qu'on avait repéré il y a plusieurs semaines, juste quand on en a besoin dans le cadre d'un cours, c'est régler un peu les problèmes de synchronisation entre l'actualité et nos progressions de cours.

Enfin, les outils évoqués permettent le partage, la mise à disposition, la co-construction, avec des collègues ou nos élèves, les moyens de mise en oeuvre étant bien sûr à adapter en fonction des outils retenus.

Etre convaincu... et convaincant ?

Parce que la culture professionnelle permet de donner du sens au notionnel, et parce que mes étudiants sont explicitement évalués à l'examen sur leur connaissance de l'actualité du secteur, ma responsabilité est de les sensibiliser au suivi de l'actualité de la profession, de leur suggérer des outils pour le faire, de les accompagner dans prise en main et la mise en œuvre de ces outils... mais pas de faire à leur place.

Vient donc le temps de convaincre et mettre en action.

Les objectifs sont multiples : développer l'autonomie, responsabiliser les étudiants qui doivent être moteurs dans la construction d'une culture professionnelle propre, notamment en fonction de leurs intérêts respectifs et de leurs projets futurs.

Coopérer, oui mais...

S'il est assez facile de se convaincre, et de convaincre ses élèves des bienfaits du travail collaboratif, notamment sur un travail de veille, le passage de la théorie à la pratique se révèle parfois plus compliqué.

Voici un exemple de mise en œuvre au cours de l'année scolaire 2016-2017 avec des étudiants en deuxième année de BTS Hôtellerie-Restauration et BTS Responsable de l'Hébergement, dans le cadre des cours de mercatique.

Progressivement...

En début d'année, je mets en route et j'explique l'utilisation que nous allons faire de quelques outils, plus ou moins déjà maîtrisés par les étudiants, comme le cahier de textes sur Pronote ou l'espace de cours sur Moodle. Cette année j'ai ajouté Pearltrees à la présentation initiale et un temps de TP a été consacré à la prise en main de l'outil, aussi bien sur poste informatique que sur application pour smartphone.

J'insiste beaucoup sur la culture professionnelle, car elle a tendance à être négligée par les étudiants qui l'investissent beaucoup moins que l'apprentissage du notionnel, comme s'il s'agissait d'un simple élément décoratif. J'essaie, dans un relatif moment de solitude, d'expliquer que le notionnel a plus de sens quand on l'inscrit dans une réalité professionnelle, et que les solutions proposées dans les études de cas seront plus pertinentes si elles correspondent à des pratiques actuelles de la profession.

Ainsi sensibilisés et équipés d'un outil adéquat, les étudiants devraient donc s'engager assez naturellement dans l'activité.

Les étudiants ont le nez dans leur téléphone aux intercours ? Parfait ! Ils pourront en 3 coups de pouce, repérer et classer les articles dans leur Peartrees. A moins que... Bon, d'accord, je vais guider encore un peu.

Jusqu'à la Toussaint, une feuille (la même) est distribuée chaque vendredi, sur laquelle chaque étudiant doit indiquer quelques éléments d'actualité qu'il a retenus au cours de la semaine écoulée et préciser ce qu'il a rajouté dans son Pearltrees.

  • Semaine 1 : Stupeur et tremblements, ça ressemble trop à un interro surprise pour être honnête. Mais non, il ne s'agit pas de cela. Je relève donc, j'annote ce qui m'est rendu, je ne fais aucun commentaire négatif sur les feuilles qui me sont rendues blanches.

  • Semaine 2 : Je redistribue la même feuille. Non, ce n'est pas noté. Juste annoté. Il y a une case prévue pour chaque semaine jusqu'aux vacances de la Toussaint. Une partie non négligeable des étudiants se fait encore surprendre mais d'autres ont compris le truc et ont préparé quelque chose. Trois, quatre faits d'actualité dans la semaine, dûment enregistrés dans leur espace sur Pearltrees. Ca commence à prendre... L'espoir pédagogique fait vivre !

  • Semaine 3 : Sensiblement la même que la semaine 2. Puisque je vous dis que non, ce n'est pas noté. Incrédulité. Les étudiants redoutent un coup fourré du type note globale mystère qui viendra à la fin. Mais non, vraiment non.

  • Semaine 4 : En me voyant arriver, ça percute dans les rangs, ah zut, elle va encore nous sortir « sa » feuille. Vite, trouver quelque chose à mettre...

Ma conclusion en semaine 4 : l'activité revue de presse n'est faite qu'en prévision d'une hypothétique interro surprise qui n'en est pas une, mais mes étudiants n'en ont visiblement pas tous compris l'intérêt. Certains se prêtent au jeu, je vois même des embryons de travail collaboratif, avec des abonnements mutuels aux « perles » des autres .

Mais j'atteins assez vite une « asymptote » : le contingent qui a compris qu'il y avait quelque chose à remplir chaque vendredi a tendance à stagner, ceux qui « bricolent » dans l'optique d'une interrogation n'en voient pas l'intérêt bien longtemps puisque ce n'est pas noté, et certaines feuilles restent ainsi immaculées au fil des semaines.

Je continue comme prévu jusqu'aux vacances de la Toussaint mon petit relevé hebdomadaire.

Mais je n'irai pas au delà. Ce cérémonial du vendredi tenait lieu d'auto-évaluation sur l'activité de veille. A chacun de tirer ses conclusions.

A partir de ce moment, fini les relevés hebdomadaires, chacun mène son activité (ou pas !), comme bon lui semble. Un dossier partagé est créé, chacun est libre de s'y abonner, ou pas.

Pour plusieurs thèmes, je crée des dossiers, à partir de ma propre veille, dans lesquels je dirige vers des ressources ciblées, que les étudiants iront voir... ou pas. Les perles peuvent être intégrées directement dans Moodle, ce qui permet de centraliser toutes les informations relatives à un thème au même endroit.

Les abonnements respectifs inter-comptes me permettent de suivre l'évolution (ou pas !) des espaces des étudiants sur Pearltrees.

Pour certains chapitres, l'enrichissement d'une perle partagée est inscrit à la liste des tâches à réaliser. L'octroi d'un temps limité peut favoriser les pratiques coopératives. Un rendu impératif en fin de cours par exemple, amène assez vite au partage des recherches, alors qu'une échéance plus lointaine entretient une certaine illusion que le travail pourra être fini plus tard...

Ainsi, pour chaque thème, sous des formes variées, l'activité de veille et de revue de presse est intégrée au travail.

Mon compte Facebook professionnel, dédié à la veille, me permet de faire le lien entre l'actualité et les cours. Les articles y sont postés au fur et à mesure que je les trouve, sans volonté de classement, j'estime que c'est le travail minimum que les étudiants doivent effectuer.

La préparation de sujets d'oraux nécessitant la mobilisation de culture professionnelle peut être prétexte à la mutualisation de cas d'entreprises par les étudiants. Certains vont jusqu'à réaliser un « JT Mercatique » pour présenter une sélection mensuelle, ce qui fournit au passage un excellent contexte d'entraînement à l'expression orale.

Les oraux blancs de BTS en milieu d'année fournissent une bonne occasion de faire le point sur la culture professionnelle de chaque étudiant, qui doit aussi faire le bilan de son activité. L'exercice individuel, à l'oral qui plus est, permet à certains de prendre conscience de l'inconfort d'une culture professionnelle insuffisante et d'engager une démarche de veille plus rigoureuse.

Pour autant, le numérique, n'est pas magique. Il ne fait pas de chaque étudiant un passionné avide de culture professionnelle.

La perle vide existe. 36 membres pour une collection vide, il y a ça aussi actuellement sur l'espace partagé...

Une perle sans aucune espèce d'interaction, aucune collaboration...

Le numérique n'est donc pas la panacée, mais, il donne des possibilités supplémentaires de collecte, de structuration et de partage de l'information, entre étudiants, entre collègues et entre étudiants et professeurs.